dimanche 12 avril 2015

Les cartons ou la vie

Avec l’enterrement de mémé et son propre mariage (ou celui de son ex auquel il a osé vous inviter), le déménagement fait partie, parait il, des événements les plus traumatisants que l’on puisse vivre. Jusqu’à présent cette vieille croyance ne me semblait guère crédible. J’ai tendance à penser que voir ma sœur descendre la Grand Canyon en baskets à talons ou manger du fromage de chèvre norvégien dans sa version liquide a bien plus détérioré ma santé mentale que les faits précédemment nommés.

Et pourtant. Et pourtant mes amis, comme on dit, y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et si  je me base sur les dernières semaines que je viens de traverser, il se pourrait bien que telle une raélienne en train d’attendre une truelle à la main l’arrivée des extraterrestres, je commence moi aussi à croire aux théories fumeuses.

Donc, j’ai déménagé. Enfin pas complètement mais presque, et cette dernière précision suffit à elle seule à démontrer que même organisé de manière martiale par une control freak comme moi, un déménagement est une épreuve truffée de pièges tous plus retors les uns que les autres, un parcours du combattant qui vous fait passer du rire aux larmes en moins de temps qu’il n’en faut pour recharger votre dévidoir à scotch, en un mot comme en cent : une tannée.

Top 4 des grandes leçons apprises lors d’un déménagement


(oui je recommence avec les Top, oui je cède à la facilité, oui je l’ai déjà fait 3 fois mais ça va, vous êtes gentils vous n’allez pas m’emmerder avec ça, j’ai des courbatures jusque dans les orteils et une haine du papier bulle qui frise le delirium tremens alors je fais avec les moyens du bord. Na)



N°4 – Que le prochain qui m’achète un « beau livre » meure d’une petite vérole purulente ou d’une indigestion de chocapic pourris (ce qui revient au même)

Déjà on ne va pas se mentir, à l’origine un beau livre c’est le cadeau un peu chiant dont tu n’as pas particulièrement envie et pour lequel il est très difficile de montrer sa déception. Sérieusement à quoi peut bien servir un beau livre à part à faire joli dans une bibliothèque et à laisser croire à d’éventuels visiteurs que vous êtes sincèrement passionnée par les Châteaux de la Loire et leurs jardins ou par les plus beaux vignobles bordelais depuis les airs ? A rien bien évidemment, sans compter que non seulement vous auriez préféré un gaufrier mais qu’en plus vous allez devoir faire semblant de vous extasier pendant 25 min sur les soubassements en torchis de Chenonceau ou sur les étiquettes de Pessac Leognan grand cru bourgeois 1996 (parce qu’en plus de vous pourrir votre Noël avec ce cadeau faussement luxueux, l’ignoble créature qui vous l’aura offert exigera un passage en revue d’au moins 24 minutes de tout le bouquin avant que vous ne puissiez poursuivre l’ouverture de vos autres cadeaux et découvrir si oui ou non on a bien pensé à vous prendre des places pour Archive au Zénith fin octobre).  

Si en plus de cela vous avez eu le malheur de recevoir un beau livre spécial « minorités ethniques », malheur, le politiquement correct s’abattra alors sur vous tel une furie vous laissant dans l’impossibilité d’émettre ne serait-ce qu’un froncement de sourcils ou de marquer votre étonnement sous peine d’immanquablement passer pour une facho de la pire espèce. Contentez-vous alors d’un « Les touaregs nains de Gibraltar au 18ème siècle ? mais quelle bonne idée, je vais le mettre à côté des plus belles décorations de table à base de pissenlits que tu m’a offert l’année dernière » et balancez le truc aux toilettes à côté de vos galets AirWick parfumés au bois de santal. Y aura bien un abruti (ou un constipé) pour ouvrir un jour « Les plus belles mosaïques à base de crottin de cheval peintes à la main» et venir vous en parler une fois sont forfait commis histoire de noyer le poisson après avoir passé 48 minutes dans vos wawas. « Non je n’ai pas une dysenterie fulgurante suite à l’ingestion de 7 parts de far aux pruneaux pour le goûter, j’étais juste en train de feuilleter « Le sanglier sauvage dans la culture jésuite au moyen-âge », c’est fou ce que j’ai appris ».     

Bon, on est d’accord. Le beau livre est avant tout une verrue dans la pile de cadeaux que vous vous réjouissez d’ouvrir le 25 décembre au matin. Et pourtant, je vous l’apprends, ces petits salopiauds ont un autre intérêt, même s’il est moins évident au premier abord: celui de vous faire réviser vos leçons de géométrie, trigonométrie, et de pousser votre esprit pratique dans ses limites les plus ultimes lors d'un déménagement. Comprendre : vous rendre absolument zinzin quand il s’agit de les mettre dans un carton.
Pour commencer, tous ne rentrent pas dans le fameux format « carton livre », et il faut alors vous cognez de leur trouver une place dans le carton à vaisselle, ce qui évidemment n’est pas leur place mais dans lequel vous aviez de toutes façons déjà rangé le porte savon, le vase carré en verre dans lequel aucun bouquet ne tient, deux blocs de post-it, et toutes les autres merdouilles qui appartiennent à cette fameuse catégorie « divers » qui fera votre bonheur au moment de tout ranger dans votre nouvel appart (astuce : il suffira juste de trouver un placard « divers » dans lequel tout balancer et le tour est joué).

Et ne vous réjouissez pas trop vite. Car quand ces petites enflures rentrent dans le fameux carton spécial livre, la partie n’est pas forcément gagnée pour autant. Certes l’espace d’un instant magique vous avez cru avoir le dessus sur eux, vous avez ri même devant la facilité de leur rangement et vous vous êtes sentis forte et prête à relever tous les défis mais force est de constater que votre victoire n’a été que de courte durée car très vite une question existentielle s’est imposée : combien j’en mets ? Un seul c’est pas assez, mais il remplit déjà 40% du carton et pèse le poids d’un âne mort. Deux ça passe encore, sauf que le carton est quasi rempli et qu’à 1,25€ le carton, ça commence à faire cher le transport des 100 plus belles plages de Guadeloupe et des meilleures recettes de grillade au feu de bois des nomades kirghizes. Vous voilà donc à bourrer l’espace restant avec vos chaussons tête de lapin et la perruque verte que vous avez porté au nouvel an 1987. 
Ou comment créer le carton le plus déprimant du monde qui finira direct à la cave sans jamais être déballé.

N°3 – Le cintre est ton ennemi (si)

Ici je ne vais pas rentrer dans trop de détails, la blessure est encore trop douloureuse et même après deux semaines j’ai toujours - un peu - envie de pleurer ou d’arracher les pattes d’un chaton en passant devant une penderie.
Disons simplement que quiconque aura essayé de dépendre, puis de ranger scientifiquement 98 cintres dans un sac bleu IKEA de 120 litres avant de tous les mélanger en soulevant le sac, de transbahuter le-dit sac sur 4 étages, de le charger dans un coffre avant de tous devoir les retrier afin qu’ils rentrent dans sa nouvelle penderie, a vu l’enfer.

Vous pensez que j’exagère comme d’habitude ? Que j’en fais trop, qu’un cintre c’est sympa quand même blablabla du coup j’ai pas besoin d’apprendre à plier mes chemises et que je sais du premier coup d’œil où est ma veste vert bouteille à épaulettes et patati et patata et bien moi je vous dis qu’outre le fait que vous avez manifestement des goûts de chiottes en termes de veste, le cintre a été inventé par l’Antéchrist.
Point barre.

N°2 -   La rapidité avec laquelle tu remettras la main sur un objet dont tu as un besoin urgent est inversement proportionnelle à son utilité

Déménagement, jour J. Il est 23h30, il y a des cartons empilés dans tout l’appartement, vous avez à peine de quoi vous enrouler dans une couverture pour dormir, une pile de tee-shirt faisant office d’oreillers et vous avez du boire directement au robinet un demi-litre d’eau pour étancher votre soif par flegme de devoir trouver un verre dans un des cartons étiqueté « vaisselle » (de toutes façons avec votre bol, vous allez surement tomber sur « Les plus beaux lampadaires en fer forgé d’Arménie » sagement rangé à côté de votre collection de boules à neige et une boite de swiffer spécial cheveux longs), mais ça y est vous êtes chez vous.

Légèrement euphorique, surexcitée par la nouveauté de votre nouvel appart tellement mieux que l’ancien tout naze vraiment c'est incroyable comment j'ai pu y rester si longtemps, c’est d’un pas décidé que vous vous dirigez vers la salle de bain pour un petit brossage de dents indispensable avant de sombrer dans les bras de Morphée (cette garce).

Tralala, dans 5 min je suis couchée, youpi youpi voici le dentifrice, merveilleux ne me manque plus que ma brosse à dents, et tout va bien puisque je suis sure de l’avoir rangée dans ce carton précieusement intitulé « salle de bain, important » et….. et non tiens elle n’est pas dedans, bizarre quand même j’étais sure de l’avoir rangée, elle ne peut pas être loin quand même ?

Et là commence un jeu de piste éreintant auquel Morphée, les fesses posées sur le seul meuble que vous aurez réussi à installer (un tabouret pliant) assiste en ricanant. Jeu ô combien cruel et décourageant. A mesure que vos yeux se remplissent de sable et que votre cerveau réclame de plus en plus de silence et d’obscurité, votre joie primesautière cède peu à peu la place à un énervement grandissant. Tiens voilà mes tasses à café génial je les aurais pour demain matin, là ce sont les bougies chauffe plats, merveilleux si je veux créer une atmosphère douillette lors de mon premier apéro, mon sac à déguisement avec ma collection de perruques afro, les plus beaux monastères en ruine de la Haute Silésie, ma crêpes-party, un saladier en plastique, le sac de pinces à linges, une boite à cirage, mes tongs, un cendrier, la télécommande de ma wii-fit que je n’ai pas utilisée depuis 7 mois, deux rouleaux de sopalins, 50 ans de construction en béton dans le Cotentin, mes maillots de bain, un miroir grossissant, ma boite à coutu.. putain mais où est cette CONNASSE DE BROSSE A DENTSSSSSSSS ?!

Quand vous aurez passé 1h20 à retourner votre 2 pièces (autant vous dire que Morphée sera partie se coucher depuis longtemps), vous remettrez sans doute la main dessus au détour d’un sac de voyage spécialement organisé pour contenir vos affaires les plus importantes (passeport, pilule, porte feuille et indispensable trousse de toilettes dans laquelle trône en bonne place cette foutue brosse à dents ).

Vous aurez alors tout loisir de vous effondrer dans votre plaid en pilou tandis que du haut de votre pile de cartons, votre sac à perruques multicolores continuera à vous narguer. 

N°1 – L’espèce humaine est en passe de disparaître dans un avenir très proche, la faute au Bon Coin

Ultime leçon de vie, issue ma nouvelle, surprenante, souvent décevante, et rarement utile expérimentation du Bon Coin.

C’est simple, si l’on considère que les utilisateurs du Bon Coin sont à peu près représentatifs de la population française, mon expérience récente démontre alors que l’on est en droit de considérer que 5% de nos compatriotes sont des gens à peu près normaux, 10% ne sont pas complètement familier avec les notions de politesse de base de type : bonjour, merci, au-revoir, 15% tentent par tous les moyens de marchander « votre canapé à 100 euros je le prends à 6 euros. Non ? bon bah 6 euros cinquante alors », 25% n’en n’ont strictement rien à foutre de vos propres contraintes, bloquent une vente en vous promettant juré craché d’être là à l’heure, puis vous plantent au dernier moment parce qu’en y réfléchissant bien ils ne savent finalement pas comment faire pour descendre une gazinière tout seul depuis le 4ème étage. Reste 45% de la population bonnecoinesque qui de l’avis général et après enquête minutieuse, est constituée de parfaits connards qui cumulent simultanément les tares des trois dernières catégories mentionnées.


Avec ça si vous croyez qu’on survivra à l’impact d’une météorite (ou à la sortie du prochain album de Florent Pagny) moi je dis : macache, on va tous crever.